Petit récit sur la journée du 18 juillet à Aigneville.

 

La météo annonçait un vent de secteur sud ouest, 5 à 10 kt, plafond vers 1600 m, 3/8e de cumulus, en mentionnant des bancs d’Ac. Bref, une belle journée en perspective. J’arrive au terrain vers 13h. Michel M préparait l’ulm. Nous avions convenu qu’il me remorque en premier et que je le remorque ensuite si je fais un plouf, sans trop compter sur Hervé qui devait être occupé avec les moissons. En fait le vent au sol est plein travers ouest, avec une légère tendance sud. Nous apercevons un énorme et bruyant tourbillon de poussière dans le champ d’à côté. Nous nous précipitons sur l’ulm pour le retenir au cas où il lui arriverait de s’envoler tout seul, le temps que Michel se prépare pour décoller avec, on a eu un peu chaud. Du coup Michel ne dépliera pas son aile, car devoir protéger celle-ci pendant qu’il vole en ulm le rendrait un peu nerveux (trop de pression, comme il dit, et chacun sait que la pression n’est bonne que dans la bière !). Il m’annonce un plafond déjà à 1200 m vers 13h30, tandis que de très beaux cumulus s’installent par le nord ouest. Je me dis (pour la nième fois) que si je m’étais remué un peu plus le matin, j’aurais pu déjà être en l’air à ce moment... Le taux d’humidité encore trop élevé dans les champs rend Hervé au chômage technique, et le voilà qui nous retrouve prêt à remorquer Michel, qui maintient toujours sa résolution de ne pas déplier son aile, même tardivement, quitte à le regretter plus tard !
Décollage en chariot à 14h16. Je rate la première pompe (ça devient une habitude), et me rattrape sous le cumulus suivant en allant vers Voves. Curieusement, les pompes ne sont pas évidentes à centrer, et quand enfin la spirale est stabilisée, les varios sont plutôt modestes (ou alors, peut être un peu nerveux, je me débrouille comme un manche). Premier plafond vers 1500 m, ouah, ça faisait longtemps ! Les dégueulantes sont aussi bien musclées. Je me rends compte que le vent météo, même s’il reste léger, m’emmène tout droit vers la région parisienne, qu’il faut naturellement éviter. Changement de cap à Voves vers l’est. Je me retrouve un peu plus tard au-dessus de la A10 à Janville, à force de trop tirer vers le sud est, précaution oblige. Au cours d’une transition, j’aperçois un mirage qui fonce au raz des pâquerettes, en pensant lequel de nous deux verrait l’autre le premier si on devait se croiser un peu trop près... Plafond max à 1726 m rencontré juste après Voves, c’est prometteur. Point bas à 160 m avant Janville, au-dessus d’un beau champ doré flanqué d’une petite exploitation agricole... Je me suis pris un pétard des familles qui m’a un peu secoué, dans du 4 m/s intégré, avec une pointe à 7 m/s instantané, et qui m’a gentiment rehaussé jusque vers 1500 m (la pompe a disparu au delà, ou alors je l’ai perdue). Cap vers le nord est après Toury en pensant qu’il serait bon de tangenter la forêt de Fontainebleau par le sud, si j’y arrive. Cependant, une couverture nuageuse élevée et dense envahit toute la région en progressant assez rapidement vers le nord est. Au sud, le ciel est complètement bouché. Mazette, ce n’est pas bon pour ma promenade aérienne, d’autant plus que le méchant voile a la fâcheuse tendance à gagner de plus en plus de terrain. Au nord, c’est bien meilleur, mais il y a la TMA d’Orly et je sens que je vais me retrouver coincé. Dernière transition vers une ville traversée par une rivière, bordée par une forêt à l’est, abritant un joli château, et qui offre aux vélivoles une superbe ZAI au bord d’un bois à l’ouest. Pour déclencher des ascendances, c’est extra, encore faut-il un minimum d’ensoleillement. Point bas à 250 m au dessus des toits et des parkings. Une pompe me rehausse de 300 m, et puis elle disparaît. Me jugeant trop bas pour traverser la forêt, je retourne à la source. Nouvelle tentative, nouvelle pompe, nouvel échec. Je tricote ainsi pendant une bonne dizaine de minutes, tandis que la couche d’Ac achève de laminer la convection. J’atterris à 16h34, et le ciel restera bouché pendant tout le reste de la journée.
Les voisins m’apprennent que nous nous trouvons à Malesherbes. Les planeurs de Buno font aussi plutôt grise mine, bien que leur finesse leur permette d’aller chercher plus loin de meilleurs ascendances. Comme l’écrira Denis, il vallait mieux, ce jour là, voler en planeur dans le nord à Chérence qu’en delta à Aigneville. Bravo au pilote qui a parcouru 700 km ! (ça me fait rêver). Le banc d’Ac finira par s’étendre à l’ouest jusqu’à Aigneville, où je fus rendu en trois heures et sept voitures et quelques km à pied entre deux. Je ne me suis pas privé de faire de la pub pour le club à la moindre occasion, j’espère que Michel m’en saura gré !
Distance Aigneville - Voves - Toury - Malesherbes = 73 km.
Pour la petite histoire, il m’est arrivé d’être pris en stop par une femme qui n’écoute que son intuition (cool !), puis par un homme bien rasé et bien habillé, véhiculant en espace sa femme et son enfant, et qui m’annonce d’emblée qu’il ne prend que les blancs, qu’il faut savoir s’entraider tandis que les autres (de couleurs) ne vivent que par cette méthode ! Je lui ai répondu que j’ai de la chance, en omettant soigneusement de lui dire que la voiture précédente était remplie de maghrébins sérieux susceptibles et religieux, que j’avais arrêtée à un croisement de routes. Enfin, cerise sur le gâteau, désespérant de devoir marcher entre Voves et le terrain (15 km) puisque les rares voitures qui passent sont conduites par des pépés ou des mémés dont la méfiance n’égale que leur mépris, un jeune homme, qui collecte les patates chez les fermiers pour une usine agroalimentaire, qui pratique le paramoteur et qui connaît bien Hervé, finit par s’arrêter pour me conduire direct à mon auto. Arrêt stratégique pour une bonne bière au bar restaurant d’Orgère en Beauce. Accueil simple et sympathique, ouvert jusqu’à 23h, fermé le samedi, à noter dans vos tablettes ! Retour au logis vers minuit et demi, alors que Madame, étonnée de ce retour « matinal », délaisse sa copine Morphée pour écouter le lyrisme de son aventurier d’oiseau !

Frédéric Lévy