Récit du 9 août 2005


Laragne, Dormillouse, Digne



Mardi, 9 août, je me trouve avec ma copine à Laragne, après une semaine de randonnée dans les gorges du Verdon. Tout le monde semble être un peu nerveux car la météo prévoit pour aujourd'hui le dernier jour volable pour les deux semaines à venir. Et voilà qui commence mal, toutes les navettes affichent complet, et je crains que ce ne soit déjà la fin pour moi, quand enfin j'arrive à convaincre l'équipe russe (8 pilotes équipés d’ailes qu’eux même ont construit) de m'emmener. J'arrive tard au décollage sud et monte l'aile immédiatement. En montant, je vois décoller le pilote d’un Atos VX dont je sais qu’hier il a parcouru 170 bornes en triangle passant par Dormillouse, St. André et retour. Il monte doucement et s'en va vers le nord. La météo prévoit un vent faible d’ouest et je décolle à treize heures, sans avoir décidé quelle route suivre, sous ma vielle Twister qui m'avait attendu dans la grange à coté du camping.
Je descend rapidement et commence à gratter sous la crête, quand enfin j'entame la première pompe qui me porte á 2400 mètres sans nuage. Toute la journée le plafond restera bas et le ciel sera bleu. Hésitant, je fais d'abord ce qui est le plus facile. J´avance vent face et arrive sans difficulté au col du Saint Jean peu après. Il y a peu d’ailes en air, et j'apprend plus tard, qu’une demi heure après mon décollage personne n'arrivait plus á monter à cause du vent qui était devenu trop Ouest. Je retourne à Laragne et me décide de tenter ma chance en dépassant la Durance, pour espérer atteindre Dormillouse. Je survole d’abord Saint Genis qui ne marche pas bien, et je n'attend pas longtemps avant de basculer vers la crête d'Esselle où j'arrive bas. Le prochaine thermique est faible aussi, mais connaissant déjà ce coin, je sais qu'on peux traverser la Durance bien bas, car de l'autre coté la Tête de Boursier va toujours bien. Mais mince, quand j'y arrive, bien sous la crête, l'air semble mort, et je mets une demi heure en me battant pour chaque mètre. Un autre deltiste á coté perd patience et essaye une ravine un peu plus loin, pour bientôt se poser juste devant. J'ai plus de chance, en chopant un thermique qui pour la première fois me porte á 2600 mètres. Je quitte maintenant la région que je connaît bien en serrant un peu les fesses, je longe cette vallée qui monte vers le lac de Serre-Ponçon, vallée qui me semble de ne pas offrir des champs posables. Le vent me pousse et bien doucement je me ballade, en admirant cette splendide vue sur les formations des montagnes alentours. An arrivant au lac, je me récupère á nouveau bas, ce qui me permet de voir de près le barrage et les chutes d'eau bien visible après la centrale. Maintenant il faut traverser deux crêtes devant moi, qui sont orientées Nord-Sud. En longeant la première, je trouve une pompe bien faible qui me fait monter quand même, et, en profitant de la dérive, j'arrive á la deuxième au-dessus d’un rocher énorme dont j’ignore le nom. Quel jeu avec la nature. Je survole le rocher en enroulant, voyant déjà Dormillouse qui se trouve maintenant á 10 kilomètres de moi. Quand la pompe devient trop faible, je m'en vais en espérant que ma vieille aile me porte jusqu'au bout, et hourrah, après cinq minutes bien anxieux, je me retrouve dans une bonne pompe, qui me porte directement au sommet de Dormillouse. Le ciel reste bleu, mais maintenant ça monte jusqu'au 3100 mètres, et je suis bien content. Et voilà, arrivent les meilleurs moments de ce vol fantastique. Le parcours du combattant, sans enrouler, sans tarder, en rasant juste la crête jusqu'au Cheval Blanc. Mais il faut avouer, que je reste un peu nerveux. L'altimètre oscille entre 2900 et 3300 mètres, mais je suis toujours proche du relief. Je me perds un peu dans les masses des falaises et parfois je corrige rapidement mon aile, alors que les parois pierreuses sont encore bien loin. La distance est difficile à estimer, ce qui m’oblige à me maintenir bien vigilant. Apres l'atterrissage je réaliserai que j'ai du sang partout sur le visage car apparemment mon nez commençait à saigner sans que je l'ait réalisé. J’arrive à la Tête de l'Estrop, je décide de suivre les crêtes, faisant une boucle vers l’Ouest, au lieu d’aller tout droit vers le Cheval Blanc, décision qui me mène au dessus des vallées complètement imposables pendant une demi heure, mais la décision était la bonne, car les crêtes donnent toujours aussi bien à tel point que je n'ai pas besoin d'enrouler. Vers quatre heurs j'arrive au Cheval Blanc á 2600 mètres. L'air est si clair, que j’aperçois St. André et le Chalvet comme si c’était la porte à coté. Je continue par Lambruisse et lutte contre la tentation de me poser á Moriez. Mais, je gagne cette lutte. J’attaque maintenant le difficile retour. Le vent est de face et en allant vers les montagnes plus basses, les thermiques deviennent de plus en plus faibles. Je passe de points bas en points bas et une heure plus tard j'arrive sur Digne les Bains. Mais quand je vois la ville et les crêtes qui me séparent du Rocher de Hongrie, je sais que je ne vais pas y parvenir. Vers six heures et demi je me pose dans un champ bien plat près de Digne, ayant parcouru près de 140 kilomètres.
La récup, c'est d'abord une histoire triste. Etant sans voiture, je n'arrive pas á convaincre un des pilotes de Laragne de me récupérer, et vers 22h je me prépare á dormir á cote de mon aile dans le champ. Mais, voilà le brave Bernard (de Grenoble, retraité, pilote Exxtacy) qui enfin se met en route pour me chercher, et vers 0h30 nous sommes de retour á Laragne. Quel bonheur d’être avec un camarade si généreux, et qui en plus parle et chante quelques mots d'Allemand ! Ce vol va rester longtemps dans ma mémoire, c'était un rêve depuis des années de parcourir Dormillouse en décollant de Laragne, et quel bonheur de pouvoir le réaliser sous un ciel bleu fantastique de la Provence en plein mois d’août.

Dietrich BROCKHAGEN