Récit du 6 juillet 2004, Bar sur Aube


On avait espéré mieux, mais c’était bien quand même


Mardi 6 juillet 2004. Météo France annonce par téléphone un vent de nord est de 10 à 20 km/h, passant à l’est en fin d’après midi. Une nouvelle journée fumante en perspective. Bien décidé à en profiter avant l’arrivée de la pluie, je pose une journée de congé et je me tire à Bar / Aube. Le ciel explose de cumulus dès 11H30, j’hallucine déjà en conduisant, tout en faisant attention à la vitesse et aux poulets.

Arrivé tout enthousiaste sur le site en début d’après midi. Déception : les pilotes des deux rigides déjà dépliés et d’un parapente tapent tranquillement la causette en attendant des jours meilleurs… Les rues de nuages nous narguent, on voit même passer un planeur, mais les thermiques qui viennent lécher le déco sont trop faibles et trop courts en durée ! Le vent météo n’étant pas assez fort, le vol de pente est impossible pour passer au-dessus du déco et accrocher un tant soit peu quand un thermique se présente. Le parapentiste qu’on envoie régulièrement en fusible multiplie les ploufs… Je déplie quand même mon aile, on ne sait jamais. Et puis un décollage avec un nouveau matériel suivi immédiatement d’un atterrissage est tout de même un bon exercice, je ne serai pas venu pour rien.

Au bout d’un certain temps, l’un des deux pilotes de rigide s’aligne au décollage. Il mettra 1H40 avant de prendre l’air, en laissant passer deux ou trois occasions… Jamais vu ça, mais je n’ai pas trop insisté pour le prier de me céder sa place, car j’étais tout de même intéressé pour connaître l’évolution de son vol ! Un plouf ! Bon, je me mets en place dans la foulée, et m’apprête à faire de même. Pendant tout ce temps, les cumulus n’en finissaient pas de bourgeonner, c’est dur ! Le parapentiste décolle encore une fois, et se maintient au raz de la crête… Décollage à 16H45, et comme prévu, je me fais enterrer. Après deux tours infructueux, je décide de quitter la pente pour avancer vers les maisons et le toit immense de l’usine un peu plus loin devant la colline, qui doivent sûrement donner. En rigide, c’est possible de les atteindre. A 50 m du sol, j’enroule une pompe, et elle me propulse… à 2162 m à la base du nuage !!! (par rapport à la ville). Enfin nous y voilà !! 4,8 m/s en Vz max intégrée sur 20 s, environ 3 m/s en moyenne. Et naturellement, étant habillé léger pour faire un plouf, je me suis à nouveau retrouvé frigorifié !

Illico, je trace la route vers le sud ouest dans la direction du vent. L’atmosphère est brumeuse. Peu à peu, je me rends compte qu’un voile épais de nuages élevés progresse rapidement vers l’est, et en plus il a le mauvais goût de manger tous les cumulus sur son passage ! D’où vient-il celui-là ? Personne ne l’a vu venir, et je ne me souviens pas avoir entendu son annonce dans les prévisions ! Je caressais déjà l’idée de me rendre à Bar / Seine. Arrivé à la hauteur du troisième village après l’autoroute (Bertignolles), force est de reconnaître que si je poursuis ainsi ma route, je vais rapidement me retrouver sur le plancher des vaches. Pratiquant le système D pour la récupe et travaillant normalement le lendemain, je décide sur ce coup là de limiter les extravagances et de me rapprocher le plus possible de la titine. Demi-tour donc, et il faut maintenant remonter face au vent avec des cumulus en voie de disparition. Avec l’interruption de l’ensoleillement, la restitution des forêts devrait prendre le relais. Je décide donc de m’aventurer au-dessus de la forêt de Bossican, juste au nord de l’autoroute. Il me reste encore assez de gaz pour aller me poser dans un champ en lisière si mon estimation tourne court. L’atterrissage est proche quand la pompe attendue se présente, me rehausse jusque vers 1700 m, et me permet de regagner tranquillement la colline du déco. La sensation de me savoir haut dans le ciel, par rapport aux autres ailes et voiles qui semblent « ramper » juste au-dessus de la colline, est très gratifiante, pour une fois que cela m’arrive ! Encore quelques dizaines de minutes de nonchalance au-dessus de la ville et de l’usine, qui restitue elle aussi, et je me pose satisfait au bout de deux heures et vingt minutes de vol. Distance parcourue = 34 km en aller retour. Coup de fil en direct du champ de bataille à la princesse Clotilde, partie en villégiature dans sa Normandie natale. Le carrosse est prêt à repartir au logis vers 21H30, il y a de l’amélioration.

Bilan de cette journée récupérée in extremis : lorsque le vent est inférieur à 15 km/h à Bar /Aube et que le temps est à faire de la distance, il vaut mieux éviter de s’y rendre, car on risque de se trouver confronté au problème d’accéder aux pompes alors que le ciel est pavé de cumulus. Cela fait la deuxième fois que cela m’arrive cette année, et ce désagrément est confirmé par les locaux. Une meilleure solution serait naturellement de se faire remorquer, à Aigneville par exemple, quitte à devoir contourner la zone militaire de Châteaudun en semaine.

Frédéric Lévy